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“Dans la Rédac” de Ciné Télé Revue avec Johanna Pires

💡 Quotidien, radio, télévision, presse lifestyle, sports, économie, judiciaire, people, etc. "Dans la Rédac", découvrez l’envers du décor de vos médias préférés…  Toutes les deux semaines, nous allons à la rencontre de celles et ceux qui, chaque jour, font parler des autres et couvrent l'actu : les journalistes ! Leur quotidien, la conception qu’ils ont de leur métier, leurs anecdotes les plus folles, leurs parcours, le futur des médias… Vous saurez absolument tout ! 🤯

Pour le douzième épisode de « Dans la Rédac », nous avons rencontré Johanna Pires, rédactrice en chef du Ciné Télé Revue. Les particularités d’un magazine people, sa passion pour les interviews de stars, la nécessité de s’adapter face à la vitesse de circulation des scoops sur les réseaux sociaux et face aux plateformes qui remplacent peu à peu la télévision, etc. Johanna revient avec nous sur le travail de rédactrice en chef et sur les défis à relever pour un magazine hebdomadaire papier !

Quel a été ton premier contact avec les médias et ton parcours avant d’en arriver là où tu en es aujourd’hui ?

Ma relation avec les médias a commencé assez tôt, puisque ma Bible quand j’étais plus jeune, c’était le Télémoustique. Ce magazine contenait beaucoup d’articles de fond ainsi que des sujets sur les programmes TV, ce qui m’a toujours passionnée. Je me souviens que c’est dans l’un de leurs numéros que j’ai lu, pour la première fois, un article sur Johnny Depp, qui était encore inconnu. C’est à ce moment-là que je me suis dit que je voulais faire pareil : devenir journaliste. Mais contrairement à beaucoup de mes compères, je n’ai jamais voulu être envoyée spéciale…  J’ai toujours voulu interviewer des stars et écrire sur le cinéma, même si cela me semblait un peu inaccessible !

Après le secondaire, j’ai entamé des études de journalisme à l’ULB. En parallèle, je faisais des piges pour des médias comme Moustique, Flair et la Nouvelle Gazette. Grâce au fait que je parle assez bien anglais, j’ai souvent été envoyée pour interviewer des artistes internationaux en visite en Belgique. C’est comme ça que j’ai fait mes premiers pas dans le monde professionnel. Mon premier contrat a été dans la presse féminine, chez Flair. Cette expérience a été extrêmement formatrice. J’ai appris à parler de divers sujets avec un ton léger et enjoué, et parfois même à écrire sur « du vide ». Je me souviens d’un article sur « les 10 façons de nouer son paréo en été » que j’ai dû rédiger sur une double page… Cela a été l’un des exercices les plus difficiles de ma carrière, mais cela a forgé ma créativité (rires). 

Ensuite, je suis arrivée chez Ciné Télé Revue il y a plus de 15 ans maintenant. J’ai d’abord été engagée pour m’occuper du magazine « 7 Extra », un magazine people pour adolescents qui est ensuite devenu GimiK. J’y ai travaillé pendant trois ans avant qu’il ne s’arrête en 2009, notamment à cause de l’essor des réseaux sociaux. Par la suite, j’ai naturellement pris en charge les pages TV du Ciné Télé Revue avant de devenir l’adjointe de ce que je suis aujourd’hui : rédactrice en chef. 

En tant que rédactrice en chef, quel est ton rôle et tes différentes missions quotidiennes au sein de la rédaction du Ciné Télé Revue ?

Mon quotidien de rédactrice en chef est assez varié et rempli de chouettes responsabilités. Par exemple, le mardi est notre jour de bouclage : je m’assure que tout est en ordre avant d’envoyer les pages du magazine à l’imprimerie. J’anime également les diverses réunions de rédaction où tout le monde est convié : graphistes, journalistes, correcteurs, etc. C’est un moment important pour que chacun soit au courant du contenu du magazine et puisse apporter sa contribution, car je crois fermement que chacun a sa pierre à apporter à l’édificeJe dispatche également les sujets aux différents journalistes en fonction du nombre de pages disponibles. En tant que garante du contenu du magazine, je tiens à relire absolument tout. C’est aussi une grosse partie de mon travail.

Je dois également faire des points quotidiens avec Xavier, qui travaille pour le web, et discuter avec les chaînes de télévision qui me proposent diverses émissions. La gestion d’équipe et le respect des budgets font également partie de mon quotidien. C’est vraiment la face cachée de l’iceberg, et cela demande une grande partie de mon énergie. 

J’adore ce poste. Le seul petit bémol est que je n’écris plus beaucoup, à part mon édito et le remaniement des textes que je reçois. Heureusement, lorsque certains membres de mon équipe sont en vacances, j’ai parfois la chance de réécrire un peu, mais je prends plaisir dans d’autres aspects de mon métier. 

Il existe de nombreux magazines qui couvrent l'actualité people. Comment Ciné Télé Revue se distingue-t-il de ses concurrents ?

Chez Ciné Télé Revue, nous avons évolué pour nous démarquer de la concurrence, notamment en adoptant des angles originaux et pertinents pour chaque sujet couvert. Avant, l’actualité justifiait l’article. Par exemple, si la chanteuse Jenifer venait pour une promotion, nous faisions l’interview sans plus de réflexion. Aujourd’hui, nous nous demandons quelle est l’information originale que nous allons partager et comment nous allons angler l’interview. 

J’essaie d’inculquer à l’équipe que nous pouvons parler de tous les sujets, mais toujours avec un angle qui convient à notre ligne éditoriale. Même pour la politique, que l’on pourrait croire éloignée de notre contenu, nous trouvons des angles pertinents. Par exemple, avant les élections, nous avons interviewé les présidents de partis sur ce qu’ils regardent à la télévision. C’est un angle typiquement CTR. Nous sommes un magazine populaire qui traite de sujets « machine à café », tout en cherchant à informer les lecteurs qui prennent le temps de nous lire. L’une des choses que l’on essaie donc aussi de faire est de surfer sur les succès populaires, comme on l’a fait avec “Squid Game” ou “La Chronique des Bridgerton”. 

Dans le contexte actuel, il est de plus en plus difficile d’obtenir des scoops, surtout avec la vitesse de l’information sur le web. En tant qu’hebdomadaire, il est rare que nous ayons des exclusivités, mais on essaye de s’adapter. Un bon exemple est celui d’Alix Batard (journaliste et ex-présentatrice du JT sur RTL) qui a lancé sa marque de bijoux. Au lieu de simplement relayer l’information, nous avons créé un article mettant en avant les animatrices-entrepreneuses. Cela nous permet de rester pertinents dans notre rythme de parution hebdomadaire, tout en surfant sur l’actu. C’est un exercice quotidien pour mon équipe et moi-même, mais c’est quelque chose que nous adorons !


Comment Ciné Télé Revue parvient-il à rester réactif face à l'actualité chaude, en étant un magazine hebdomadaire papier ?

Grâce à notre activité sur notre site web ! Ce dernier est hébergé par Sudinfo depuis notre intégration chez Rossel il y a 4 ans. Ce canal digital nous aide non seulement à toucher un public plus large, mais aussi à générer des revenus publicitaires importants, ce qui garantit la pérennité de Ciné Télé Revue. Le web est pour moi totalement différent du magazine papier, car on le voit comme un journal quotidien. Nous avons un journaliste dédié à temps plein au digital, chargé de partager l’information dès qu’elle tombe, si elle reste fidèle à l’ADN de Ciné Télé Revue (TV, People, Cinéma, Musique, etc). En plus de ça, nos autres journalistes adaptent leurs articles papier pour le web. Et surtout, depuis septembre, nous avons aussi engagé un journaliste spécialisé dans la vidéo, élément crucial pour notre site web mais aussi pour nos réseaux sociaux.

Comment s'est opérée la transition des chaînes de télévision traditionnelles vers les plateformes telles que Netflix, YouTube, Disney+ et autres ?


La transition vers la mise en avant des plateformes de streaming s’est opérée lorsque je suis arrivée à la tête de Ciné Télé Revue. Nous avons dû faire face à une double peine : la presse papier connaît de grandes difficultés et, en plus de cela, nous parlons de télévision, un média qui s’essouffle depuis des années. 

Dès le départ, il m’a semblé évident que nous devions jouer la carte des nouvelles plateformes, qui n’avaient à l’époque pas encore l’ampleur qu’on leur connaît aujourd’hui. Nous avons été les premiers à le faire, et cela a finalement payé, car même si la consommation de la TV linéaire diminue, l’usage des écrans n’a jamais été aussi intense. 

Nous ne voulions pas abandonner la TV en déclarant qu’elle était « has been ». Au contraire, notre objectif était de nous situer à la croisée des chemins entre la TV traditionnelle et les plateformes de streaming modernes. Nous voulions nous positionner en tant que guide pour aider nos lecteurs à naviguer parmi ces nombreuses options et nous avons, je pense, réussi à le faire en repensant le magazine avec cette vision, tout en conservant évidemment notre ADN « People ». 

Ciné Télé Revue est un magazine familial qui se trouve souvent sur la table du salon, et les jeunes qui nous lisent le font en partie grâce à leurs parents, donc je n’ai jamais vraiment eu l’espoir de séduire la jeunesse. Notre but est de continuer à fidéliser notre public habituel, notamment notre cœur de cible : la mère de famille de 45 ans.

Durant ta carrière, est-ce qu’il y a un ou plusieurs articles qui t’ont marquée ou dont tu es particulièrement fière ?

Ce que j’adore depuis le début, ce sont les interviews que je ne retranscris pas en mode questions-réponses. J’aime particulièrement créer des articles d’ambiance. Aussi étonnant que cela puisse paraître, deux de mes meilleures interviews sont celles qui se sont mal passées !

Le premier mauvais souvenir que j’ai, c’est avec Pascal Obispo. Il avait été odieux : il prenait mon dictaphone et le coupait quand il parlait pour que je ne puisse pas inclure certaines de ses déclarations dans mon article. En fin de compte, j’avais écrit un article intitulé “Mon interview ratée avec Pascal Obispo”, en expliquant avec un peu d’humour ce qui s’était passé ce jour-là et j’avais reçu de super retours pour cet article. 

Une autre interview marquante, pour des raisons similaires, est celle avec Justin Bieber. J’en garde un souvenir mitigé. Le matin, nous avons écouté l’album avec son manager, ce qui était très chouette et intéressant. Mais l’après-midi, l’interview avec l’artiste a très mal commencé. J’ai été recalée à la porte de l’hôtel par la sécurité qui pensait que j’étais une groupie. Ensuite, durant l’interview, Justin Bieber était extrêmement désagréable : il soupirait à chacune de mes questions et parlait avec son entourage en même temps. De la même manière qu’avec Pascal Obispo, j’ai écrit un article pour montrer l’envers du décor de cette expérience. Avec du recul, je considère cette interview comme l’un de mes meilleurs articles. 

Ces expériences mettent en avant le fait que, parfois, ce n’est pas la rencontre elle-même qui est passionnante, mais tout ce que l’on recueille autour. Nous sommes des raconteurs d’histoires et je pense qu’on a tendance à parfois l’oublier.

On se donne rendez-vous dans deux semaines pour découvrir le prochain épisode de "Dans la Rédac" avec un•e journaliste belge emblématique !