💡 Quotidien, radio, télévision, presse lifestyle, sports, économie, judiciaire, people, etc. "Dans la Rédac", découvrez l’envers du décor de vos médias préférés… Toutes les deux semaines, nous allons à la rencontre de celles et ceux qui, chaque jour, font parler des autres et couvrent l'actu : les journalistes ! Leur quotidien, la conception qu’ils ont de leur métier, leurs anecdotes les plus folles, leurs parcours, le futur des médias… Vous saurez absolument tout ! 🤯
Pour le troisième épisode de la saison 2 de “Dans la Rédac”, nous nous sommes entretenus avec Luana Fontana, journaliste et présentatrice pour Les Niouzz, le JT des enfants. Ensemble, nous avons exploré son parcours, discuté de l’approche journalistique adaptée à un jeune public, souligné l’importance de maintenir une proximité avec les enfants et mis en avant l’importance de rester informé pour rester pertinent auprès des 6-12 ans.
C’est parti !
Quel a été ton premier contact avec le monde des médias et quel parcours t’a conduit à devenir journaliste pour Les Niouzz ?
Curieusement, mon premier véritable contact avec le journalisme, c’était déjà avec Les Niouzz. Je regardais souvent Bla-Bla (rires), et juste après, il y avait Les Niouzz. J’avais vraiment l’impression que c’était un journal télévisé conçu spécialement pour moi et mes copains, alors je ne manquais pas souvent un épisode.
À l’inverse, scolairement parlant, rien ne me prédestinait à devenir journaliste, du moins pas avant un bon moment, puisque j’ai d’abord suivi des études en psychologie clinique, où j’ai obtenu deux diplômes, avant de travailler en tant que psychologue clinicienne. Mais très vite, j’ai réalisé que ce n’était pas la carrière que je voulais poursuivre. J’ai alors pris contact avec Le Soir, pour y travailler bénévolement pendant l’été. J’ai eu la chance de décrocher un stage chez So Soir, une expérience qui m’a réellement convaincue que j’avais trouvé ma voie. J’ai donc décidé de faire un master en journalisme à l’UCLouvain. En parallèle, je commençais déjà à collaborer avec la RTBF, pour des émissions comme C’est du belge ou On n’est pas des pigeons. Puis, une fois mon diplôme en poche, comme j’avais déjà un pied à la RTBF, j’ai eu l’opportunité de passer un casting pour Les Niouzz. C’était un peu un rêve d’enfant qui se réalisait, parce que je pense que si on m’avait demandé, plus jeune, quelle émission j’aurais aimé présenter, j’aurais répondu Les Niouzz, donc je n’ai pas hésité une seule seconde pour saisir cette opportunité.
Tu as précédemment travaillé pour des médias destinés à un public adulte. Aujourd’hui, ton audience se compose essentiellement d’enfants. Comment cela influence-t-il ton approche journalistique ? Est-ce que ça change ta façon de travailler ?
Oui, évidemment, il y a deux aspects qui changent beaucoup : le fond et la forme.
Sur le fond, on sélectionne les informations qui concernent directement les enfants ou qui sont particulièrement importantes pour eux. Sur la forme, on ne s’adresse pas aux enfants de la même manière qu’aux adultes : il faut vulgariser l’information et prendre le temps de simplifier des notions parfois complexes. Ce qui est amusant, c’est que beaucoup d’adultes regardent aussi Les Niouzz, justement parce qu’on reprend tout depuis le début.
En parallèle, on veille aussi à ne pas diffuser d’images choquantes. Par exemple, lors des attentats à l’aéroport de Bruxelles, on n’a pas montré les images de l’attentat en lui-même. On a privilégié des plans larges de l’aéroport et des images d’ambiance, en expliquant ce qui s’était passé, mais sans confronter les enfants à l’horreur de l’actualité.
Un autre point essentiel, surtout quand on s’adresse à un jeune public, c’est de recouper ses sources. C’est d’ailleurs pour cela que notre rédaction est partagée avec celle du JT pour adultes. Quand des sujets plus sensibles ou complexes se présentent, on discute souvent avec les journalistes du JT pour s’assurer que la manière dont on aborde l’information est adéquate. Que ce soit pour les enfants ou les adultes, l’exactitude des sources est primordiale.
Ensuite, ça peut paraitre être un détail, mais ça ne l’est pas : il est important de parler aux enfants sans les infantiliser. Ils détestent ça. Il faut trouver un juste milieu, les faire se sentir grands et impliqués dans ce qu’on raconte.
L’audience des Niouzz (6-12 ans) n’est pas particulièrement présente sur les réseaux sociaux. Comment vous adaptez-vous à cela dans votre communication sur Instagram, TikTok & YouTube ?
Pour les réseaux sociaux, on élargit légèrement notre public cible jusqu’à 14 ans, car on considère ces plateformes comme un canal à part entière. On produit une quantité importante de contenus spécifiquement destinés aux réseaux sociaux, notamment sur Instagram, TikTok et YouTube et, même si les enfants de cet âge ne sont pas censés être sur les réseaux sociaux, il ne faut pas se le cacher : ils y sont souvent via les comptes de leurs parents. Cela rend notre tâche difficile en termes de données, elles ne sont pas très représentatives, mais on sait qu’ils sont bel et bien actifs sur ces plateformes. Alors, on a la volonté que les informations qu’ils voient soient fiables et vérifiées. Notre objectif, c’est de devenir une référence face aux fake news qui circulent sur les réseaux sociaux.
De ce que je sais, ce sont beaucoup les enfants qui consomment nos contenus d’eux-mêmes.
Il est probable que certains parents incitent leurs enfants à nous suivre, mais je pense que cela reste une part minoritaire, on le constate dans les commentaires.
Les enfants constituent un public avec lequel il est essentiel d’établir une certaine proximité. Vous vous rendez régulièrement sur le terrain, notamment dans les écoles. Comment entretenez-vous cette relation, et à quel point est-ce important pour un média comme Les Niouzz ?
Il est primordial pour nous d’obtenir leur avis et de connaître leurs centres d’intérêt afin de mieux cibler les thématiques qui les concernent. C’est en partie pour cette raison qu’on visite des écoles chaque semaine. Tous les mercredis, on diffuse une émission spéciale entièrement tournée dans une école. Et puis, chaque jour de la semaine, on donne la parole aux enfants à l’antenne sur des sujets variés, qu’ils soient sérieux (comme le harcèlement, la guerre ou la démocratie) ou plus légers (comme leur parfum de glace préféré).
Je pense sincèrement que rencontrer les enfants est très enrichissant, tant pour eux que pour nous. Ils nous regardent tous les jours, donc ça leur fait plaisir et nous, ça nous permet de mesurer l’impact que l’on a sur leur quotidien.
Une autre particularité des Niouzz réside dans le fait que, tous les six ans, une grande partie de votre public change. Comment parvenez-vous à développer une nouvelle audience de manière aussi fréquente ?
Effectivement, chaque année, on accueille de nouveaux téléspectateurs, mais on en perd d’autres, puisque les élèves de 6ᵉ primaire partent, mais de nouveaux arrivent en première.
Évidemment, on reste stable, car tout ça est facilité par le fait que de nombreux enseignants commencent leur journée en présentant le JT de la veille à leurs classes. Cela nous permet de créer des rendez-vous réguliers avec de nouveaux élèves et d’établir un lien direct avec notre contenu.
Par ailleurs, on a aussi la chance de laisser une empreinte durable dans l’esprit des enfants. J’ose espérer que même ceux qui passent à des moyens d’information plus adultes se souviennent de nous et gardent en mémoire l’impact positif de notre travail, tout comme cela a été le cas pour moi avec Les Niouzz pendant mon enfance.
C’est important de noter l’on célébrera nos 25 ans d’existence en mars prochain, ce qui fait de nous l’une des plus anciennes émissions de la RTBF. Je sais que de jeunes parents autour de moi, qui ont été marqués par cette émission, transmettent désormais cet héritage à leurs propres enfants, ça permet jour après jour et année après année de renforcer notre impact dans le paysage médiatique.
Quels sujets passionnent le plus les enfants aux Niouzz ?
On ne va pas se mentir, il est évident que les enfants sont souvent plus captivés par des sujets comme Inoxtag, qui gravit l’Everest, que par un conflit éloigné qui ne les affecte pas directement.
À cet âge, ils n’ont pas toujours la pleine compréhension des enjeux complexes liés à la guerre… et ce qui les attire davantage, ce sont les contenus divertissants et engageants. Cela dit, lorsqu’il s’agit de sujets sérieux comme le harcèlement, ils prennent ces questions à cœur. Ils montrent un réel intérêt et sont souvent désireux de s’exprimer et de témoigner sur ces sujets, parce que ça les concerne. Ce contraste entre des thématiques légères et des problématiques plus graves est fondamental dans notre approche. On essaye de trouver le bon juste milieu.
Est-on, à un moment, trop vieux pour animer Les Niouzz ?
C’est une question intéressante et, en réalité, assez complexe. Bien sûr, je pense qu’il est raisonnable de dire qu’à 50 ans, je ne serai plus la personne idéale pour présenter Les Niouzz (rires). Il y a un moment où l’on peut ressentir un certain décalage par rapport aux jeunes téléspectateurs, mais ça peut varier d’une personne à l’autre.
Pour ma part, j’ai la chance de faire assez jeune, donc souvent, des enfants me prennent pour une adolescente, pensant que j’ai 16 ou 18 ans, mais ça ne suffit pas, pour continuer à captiver ce public, il est important de rester en phase avec leurs intérêts et les tendances actuelles, notamment sur les réseaux sociaux. Si l’on vieillit sans avoir d’enfants ou sans se tenir informé des thématiques qui les touchent, il devient difficile de rester pertinent et d’aborder des sujets qui les intéressent réellement.
Mais quant à mon avenir, je ne me fais pas de soucis, j’ai l’ambition de grandir avec mon public actuel. Par exemple, je coprésente également The Voice Kids, qui me permet de toucher à la fois les enfants et leurs familles. C’est un autre public, plus large, mais je me sens tout aussi à l’aise dans cette dynamique.