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"Dans la Rédac” de LN24 avec Jim Nejman

Nonante Cinq 14 juillet 2025
"Dans la Rédac” de LN24 avec Jim Nejman

Pour le dix-septième épisode de la saison 2 de Dans la Rédac, nous nous sommes entretenus avec Jim Nejman, rédacteur en chef de LN24. Ensemble, nous avons discuté de son parcours, de son poste de rédacteur en chef, des défis liés à l’arrivée tardive de LN24 dans le paysage médiatique, ainsi que sa volonté de continuer à exercer le journalisme malgré ses responsabilités de rédacteur en chef.

Quel a été ton premier contact avec le journalisme ? D’abord en tant que lecteur, puis en tant que professionnel.

Quand j’étais petit, je consommais déjà les médias. Le soir, avec mes parents, on regardait beaucoup les différents journaux télévisés. J’aimais aussi beaucoup les documentaires et la radio. Mais honnêtement, je ne me destinais pas du tout au journalisme à la base. C’est venu petit à petit, au fil de mes études et de mes premières expériences professionnelles.

J'ai fait mes études en journalisme, à l'IHECS, et quand j'en suis sorti, on nous avait bien dit que c’était compliqué de trouver un premier job, car le secteur est en crise… Mais j’ai eu la chance de tomber assez vite sur une proposition à La Première, comme assistant de production. Je travaillais pour la matinale de la semaine. Et puis ils ont lancé une nouvelle matinale le week-end, et je suis devenu assistant de production là aussi. C’est comme ça que j’ai commencé, dans un rôle d’éditeur, de producteur. Je devais encadrer l’animatrice, lui faciliter la vie, trouver les invités, proposer des sujets… et j’ai adoré ça.

C’est ce qui m’a vraiment donné envie de continuer dans ce secteur. Même si, honnêtement, se lever à 4h du matin le week-end, c’est parfois un peu rude (rires). À un moment, je faisais même des horaires de 23h à 6h du matin. Mais bon, ça m’a appris beaucoup. Ensuite, j’ai passé un entretien à la RTBF, pour voir ce qu’ils pouvaient me proposer. Et là, on m’a clairement fait comprendre que, malgré mon envie, mon talent, ma motivation et toutes mes qualités, ça allait être compliqué de me proposer un projet qui me plairait vraiment.

C’est à ce moment-là que LN24 s’est lancé. J’ai envoyé un mail à Didier Defawe, qui était rédacteur en chef à l’époque, en lui expliquant mon parcours et mes envies. Quelques jours après, j’avais un entretien, qui a duré cinq minutes. Et le lendemain, j’étais engagé. D’abord comme journaliste de terrain, puis assez vite comme chroniqueur en rubrique internationale. Quelques semaines plus tard, on me proposait de reprendre l’émission.

Encore quelques mois après, j’ai pris la direction de Prime Time, l’émission d’info du soir, qui a aussi un côté un peu people. J’ai fait ça pendant trois ans, jusqu’à l’année dernière. Et quand la situation s’est compliquée chez LN24, j’ai proposé de devenir rédacteur en chef. Mais pas juste comme ça : avec un vrai projet, qu’on est en train d’appliquer aujourd’hui. Donc actuellement, je suis à la fois rédacteur en chef, journaliste, chroniqueur et présentateur. Les journées sont assez longues, mais je m’amuse vraiment beaucoup.

 Comment tu définirais la ligne édito de LN24 ?

Aujourd’hui, ce qui caractérise vraiment LN24, c’est notre promesse : « Vous êtes mieux informés ». On essaye de faire de l’info sous toutes ses formes, avec du décryptage, pour donner aux gens une information la plus juste possible.

On couvre aussi bien l’actu belge qu’internationale, on parle politique, économie, culture… Et si on doit être clair sur notre positionnement, LN24 a une ligne éditoriale de centre droit, avec un vrai attrait pour l’international et ça, bien avant la guerre en Ukraine. On reste une chaîne privée, mais avec une volonté assumée de remplir une forme de mission de service public : expliquer ce qui se passe autour de nous. La culture est aussi un axe important. Dans Prime Time, on reçoit un ou deux invité(s) chaque soir, et franchement, ce n’est pas si courant en Belgique. On donne de l’espace à ces sujets-là.

Et puis, il y a deux choses auxquelles on tient énormément, et qui font notre différence : le débat et le temps de parole. Chez nous, quand un invité est en plateau, il n’a pas juste 7 minutes pour placer deux idées. On prend le temps d’aller au fond des choses, de le challenger, de creuser les points de vue.

L’idée, c’est que chacun puisse vraiment développer sa pensée. Et que le téléspectateur puisse se faire sa propre opinion.

Tu animes l’émission « Bonsoir l’Amérique », dans laquelle tu t’intéresses à ce qui se passe aux États-Unis. À quel point c’est important pour LN24 de se démarquer avec ce genre d’émissions ?

Depuis longtemps, je suis spécialisé en politique américaine. C’est un sujet qui me passionne, et c’est assez naturellement que je me suis positionné là-dessus dans ma carrière de journaliste. Au sein de la rédaction, on a cette volonté d’aller plus loin que les autres chaînes nationales sur ce type de thématique. On sait qu’on parle à un public qui, souvent, n’a pas d’expertise particulière sur la politique américaine, donc on prend le temps d’expliquer… mais sans jamais simplifier à l’excès. On va toujours un peu plus loin.

J’ai eu la chance de couvrir les deux dernières grandes soirées électorales aux États-Unis, et on a bien vu que ça intéressait. Alors avec l’équipe, on s’est dit : « C’est fou qu’avec un personnage comme Donald Trump, il n’existe pas une émission qui revienne chaque semaine sur la politique américaine, alors qu’il s’y passe des choses dingues. » Donc on a lancé Bonsoir l’Amérique. Et les retours ont été très bons, dès le début. Chaque vendredi soir, on a de plus en plus de monde qui nous rejoint, des gens qui m’écrivent, réagissent… On sent que ça trouve son public. C’est une émission de qualité, qui n’a pas vraiment d’équivalent ailleurs en Belgique. Et puis au-delà de l’intérêt journalistique, il y a aussi une réalité géopolitique : ce qui se passe aux États-Unis a un impact direct sur le monde entier, y compris sur la Belgique. Donc oui, c’est aussi important à traiter que ce qui se passe chez nous. Et franchement, même si on y croyait, on ne s’attendait pas à ce que ça marche aussi bien.

Est-ce que c’était toujours important pour toi de continuer à faire de l’animation ? Et comment s'articule une journée type ? 

Oui, clairement. Pour moi, c’était essentiel de continuer à faire de l’antenne. C’est assez rare de voir un rédacteur en chef qui garde une présence régulière à l’écran, mais personnellement, j’adore ça. Évidemment, ça demande une vraie discipline et une routine bien rodée.

En général, je me lève à 6h45, j’écoute les infos à la radio, et j’arrive au bureau vers 8h30 pour préparer la réunion de rédaction qui commence à 9h. Chaque journaliste est chargé d’une veille média spécifique : certains scrutent La Libre et La DH, d’autres L’Echo, ou encore la presse internationale. Tout ce travail nourrit à la fois notre JT et les débats qu’on propose dans nos émissions.

Une fois cette réunion terminée, j’enchaîne avec le gros de ma journée : pendant 2 à 3 heures, je prépare ma chronique pour Bonsoir Le Prime, qu’on enregistre entre 15h et 17h pour une diffusion en soirée. En parallèle, je suis en contact constant avec les journalistes sur le terrain, je gère les demandes de la direction et je réponds aux besoins de l’équipe.

À 15h, on enregistre l’émission, puis j’ai une petite heure de battement pour me préparer avant d’enchaîner avec Bonsoir le Débat, en direct à 18h. L’émission se termine à 19h30, ce qui clôture une journée d’environ 12 heures. C’est intense, mais franchement, c’est ce rythme-là qui me stimule.

Et fort heureusement, je ne gère pas tout. Des émissions comme Le Mag Eco, Success Stories… sont des programmes qui viennent de l’extérieur. Je pourrais avoir un mot à dire, bien sûr, mais dans les faits, je n’ai pas vraiment le temps de m’impliquer dessus et j’ai toute confiance en celles et ceux qui les pilotent.

La TV, c’est un secteur très restreint. Au niveau national, les autres médias existent depuis des décennies. LN24, c’est tout récent. Comment on fait sa place sur un marché aussi fermé ?

C’était le grand défi au moment du lancement, en 2019, porté par Martin Buxant, Joan Condijts et Boris Portnoy, les trois fondateurs. L’objectif, c’était de s’imposer sur le terrain de l’info ce qui n’est pas simple dans un paysage dominé depuis longtemps par des mastodontes comme la RTBF et RTL.

Il y a eu des moments où ça s’est bien passé, d’autres beaucoup plus compliqués. Pendant la crise du Covid, par exemple, on a eu un vrai sursaut de notoriété. Paradoxalement, c’est aussi à ce moment-là que le marché de la publicité s’est complètement effondré.

Mais malgré ça, on a su se démarquer, notamment sur le terrain politique. On a aussi été précurseurs sur pas mal de sujets : l’invasion du Capitole, la guerre en Ukraine… J’ai couvert 40 jours en direct pour expliquer ce qui se passait là-bas. On fait aussi beaucoup d’émissions spéciales. Et contrairement à d’autres chaînes plus lourdes, comme RTL ou la RTBF, on peut réagir très rapidement et basculer en direct presque instantanément.

On a aussi misé sur la culture. Très vite, on a réussi à inviter des personnalités fortes comme Christian Clavier, Adriana Karembeu, Axelle Red, Marc Wilmots… Ça nous a bien aidés à exister dans l’espace médiatique.

Maintenant, soyons honnêtes : économiquement, c’est très compliqué. Le modèle reste fragile. C’est difficile d’être rentable aujourd’hui en télévision, surtout quand on est une chaîne d’info indépendante.

Vous avez aussi l’avantage d’appartenir au groupe IPM. Il y a beaucoup de synergies entre les différents médias du groupe. Tu peux m’expliquer un peu comment ça se passe concrètement ?

C’était clairement l’une de mes priorités cette année. Avant ça, il y avait déjà quelques collaborations, mais ça restait assez limité, pas encore vraiment structuré. Quand j’ai proposé mon projet en arrivant comme rédacteur en chef, un des axes forts, c’était justement d’impliquer davantage La DH, La Libre, et les autres marques du groupe dans nos contenus.

Et cette année, ça s’est vraiment mis en place, et ça fonctionne super bien. Comme tu le dis, on a cette chance d’être dans un groupe comme IPM, avec des expertises variées et des journalistes spécialisés sur plein de sujets. Alors autant en profiter. Quand on fait appel à ces expertises dans nos émissions, ça change tout. Ça rajoute immédiatement de la profondeur, du crédit. Et pour les téléspectateurs, c’est aussi une façon de découvrir les journalistes des autres titres du groupe. C’est gagnant à tous les niveaux.

Vous avez une équipe assez jeune. Comment expliques-tu ce choix ? Est-ce que ça aide pour rester à jour ?

Oui, clairement. C’est même un choix assumé dès le départ par Martin Buxant, Joan Condijts et Boris Portnoy. J’ai 33 ans et il n’y a que trois journalistes plus âgés que moi, et encore, ils ont à peine 37 ans. Le reste de la rédaction a entre 22 et 26 ans. C’est assez fou quand on y pense.

Ça apporte évidemment un vrai vent de fraîcheur, mais ça demande aussi un peu plus d’encadrement. Au final, on est devenu une sorte de centre de formation hyper qualitatif. Parmi ceux qui sont passés par chez nous, certains bossent aujourd’hui au Monde, chez Libération, chez Euronews, à la RTBF... Et ces rédactions sont très demandeuses de ce genre de profils qu’on forme ici. 

Il faut aussi savoir que dans beaucoup de médias, les journalistes partent sur le terrain avec un cadreur, un preneur de son, un monteur… Chez nous, ils partent souvent seuls, avec un iPhone, un micro, et ils montent leur sujet eux-mêmes. Du coup, quand ils quittent notre rédaction, ils sont tout de suite très autonomes.

Et pour ceux qui restent, ça permet d’évoluer très vite. Je prends mon exemple : le premier jour, j’ai interviewé le patron de Brussels Airport. Le lendemain, j’étais au Conseil de l’Europe. La semaine d’après, en duplex depuis le Royaume-Uni pour parler du Brexit. Être challengé comme ça, c'est super gratifiant.

On mise beaucoup sur la méritocratie. Si tu es bon, tu avances. Alors que dans d’autres rédactions, c’est encore souvent l’ancienneté qui fait foi.

Sur toute ta carrière, est-ce que tu aurais une anecdote/un moment marquant à nous raconter ?

Le moment le plus dingue, c’est sans doute l’invasion du Capitole. Ce soir-là, on avait fait une émission spéciale de deux heures sur le sujet. J’en sors, un peu KO, et là mon rédacteur en chef me dit : « Il faut que tu y retournes, il se passe encore quelque chose. » J’ai à peine le temps de comprendre ce qu’il se passe que je suis déjà de retour à l’antenne, en direct, pour expliquer la situation. C’est fou à vivre. Tu sais que tu vis un moment historique, tu sais pas comment ça va évoluer, mais tu dois le raconter, là, maintenant. C’est de l’adrénaline pure.

Et puis bien sûr, il y a eu la guerre en Ukraine. Pendant 40 jours d’affilée, j’ai assuré un direct chaque jour pour expliquer ce qui se passait, l’évolution, les enjeux… C’est aussi un souvenir très fort.

À côté de ça, j’ai eu la chance de recevoir pas mal de grands invités, culturels ou politiques, et cette année, on a vraiment franchi un cap là-dessus. J’adore ces moments, rencontrer ces personnalités, comprendre ce qui les anime. Ce sont aussi de très beaux souvenirs, à un tout autre niveau.

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