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“Dans la Rédac” de Wilfried avec François Brabant

💡 Quotidien, radio, télévision, presse lifestyle, sports, économie, judiciaire, people, etc. "Dans la Rédac", découvrez l’envers du décor de vos médias préférés…  Toutes les deux semaines, nous allons à la rencontre de celles et ceux qui, chaque jour, font parler des autres et couvrent l'actu : les journalistes ! Leur quotidien, la conception qu’ils ont de leur métier, leurs anecdotes les plus folles, leurs parcours, le futur des médias… Vous saurez absolument tout ! 🤯

Pour le onzième épisode de « Dans la Rédac », nous sommes allés à la rencontre de François Brabant, journaliste et fondateur du magazine Wilfried. Sa carrière dans le journalisme “mainstream” avant de lancer son propre média trimestriel, la nécessité de rester alerte à l’actualité et aux sujets qui font réagir, la structure économique particulière quand on fait du slow journalisme, etc. : François aborde avec nous les enjeux qui se cachent derrière la création d’un nouveau média papier, dont le but est de traiter l’actu de manière inclusive, et en profondeur !

Peux-tu nous raconter ton parcours avant de lancer ton propre magazine ?

Dans ma vie, j’ai douté de beaucoup de choses, mais jamais de ce que je voulais faire plus tard. Je me souviens qu’à 7 ou 8 ans, je me levais très tôt. Après avoir déjeuné, juste avant de partir à l’école, je feuilletais le journal « Le Soir » que le facteur apportait vers 07h30. À l’époque, c’étaient surtout les pages sportives qui m’intéressaient, mais le papier a eu l’avantage de me pousser, au fil des années, à m’intéresser de plus en plus aux informations sociétales et politiques. 

À la fin de mes humanités, j’ai suivi des études de journalisme, avec un stage à la RTBF puis au Vif/L’Express, qui m’a proposé un contrat dès la fin de mes études. Quand je vois la précarité de ce métier aujourd’hui, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance, car ils ont vraiment parié sur moi en me donnant ma chance. J’ai travaillé au Vif de 2003 à 2015, puis j’ai rejoint La Libre pendant un an avant de lancer Wilfried Magazine, mon propre média. C’était une idée que j’avais toujours eu en tête, mais que je pensais irréalisable, car je ne connaissais pas grand-chose en management ou en économie. Après quelques discussions de couloir avec Quentin Jardon, que je connaissais à peine, nous avons décidé de lancer le projet avec deux autres personnes, Camille Van Vyve (ex Rédactrice en chef adjointe au Trends-Tendances) et François Verbeeren, qui connaissait très bien le monde entrepreneurial. 

Si j’ai lancé Wilfried Magazine, c’est avant tout parce que la politique est un sujet essentiel dans nos vies. Elle influence directement notre quotidien et peut même changer le monde dans lequel nous vivons. Comme j’ai beaucoup traité ce sujet durant mes années au Vif/L’Express, j’avais l’impression de pouvoir apporter quelque chose de novateur, avec un regard différent de celui des autres médias. 

Comment on choisit les sujets d'un magazine trimestriel ?

Quand je réfléchis au sommaire du prochain magazine, c’est un réel mélange entre de l’intuitif et de l’analytique. D’une part, j’essaie d’avoir des antennes un peu partout. Ça veut dire que je regarde énormément ce qui se fait dans les autres médias, je suis toujours attentif à ce qui se dit sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et j’écoute les discussions autour de moi pour savoir ce qui intéresse les gens. De là, j’ai plein d’idées de sujets qui me viennent. D’un autre côté, je fais toujours attention à maintenir un équilibre entre les sujets politiques et de société, féminins et masculins, sérieux et légers. Je varie aussi beaucoup entre interviews et reportages, en veillant évidemment à interviewer des personnalités tant de gauche que de droite. 

Nous avons la chance de ne pas devoir réagir quotidiennement à l’actualité, mais j’avoue que cela peut parfois être frustrant pour moi, car je viens de la presse mainstream. Par exemple, lors des élections, j’avais envie de réagir rapidement. C’est ce que j’ai fait avec un article en 13 points que j’ai écrit en un jour et publié sur le site de Wilfried.

On pourrait donc penser que nous avons le temps de traiter les sujets en profondeur et c’est évidemment un peu vrai, c’est ce que nous nous efforçons de faire. Mais il faut aussi savoir qu’une grande partie de mon temps est consacrée à la gestion de l’entreprise et de la marque Wilfried. J’essaie de coordonner toutes les activités, et même si je suis bien épaulé, il m’arrive de constater, en faisant le bilan de ma semaine le vendredi soir, que la partie purement journalistique n’a même pas occupé la moitié de mon temps de travail.

Combien de personnes travaillent au sein du média ?

Au sein de Wilfried Magazine, on compte trois salariés. Ce qui est vraiment chouette, c’est que ces trois salariés sont nos trois journalistes. On a fait le choix éthique de privilégier des journalistes salariés plutôt que des freelances précaires, parce qu’on croit fermement que pour maintenir une qualité élevée, il faut valoriser le talent par une stabilité financière.

À côté de ça, on a externalisé nos besoins non-éditoriaux à trois personnes qui s’occupent de l’administration, des abonnements et de la comptabilité. Notre équipe s’agrandit également avec une vingtaine de journalistes et de photographes freelances réguliers qui font partie intégrante de notre équipe élargie. Et en plus de tout ça, on collabore avec un studio graphique à Gand et on a notre propre imprimerie à Liège, ce qui donne à notre travail une dimension artisanale et multi-facettes que j’apprécie particulièrement.

Comment est-ce qu'on s'en sort financièrement parlant quand on fait du slow journalisme ?

Ce n’est pas facile tous les jours (rires). Cela fait maintenant 7 ans que nous avons lancé le média et je me souviens qu’au début, on me disait : « Si vous faites 5 numéros, ce sera déjà pas mal, vous pourrez être contents ». À l’heure actuelle, notre 27e numéro vient de sortir, sans compter les hors-série.

Pour moi, c’est devenu un métier à temps plein, donc on peut en vivre. Économiquement, notre situation est assez unique dans le panorama médiatique en Belgique, puisque nos recettes annuelles se répartissent de la sorte : 80% proviennent des ventes, que ce soit par abonnement ou en librairie, 17% des subsides, et 3% de la publicité. Dans tous les médias du monde, les revenus reposent sur ces trois piliers, mais les proportions varient d’un média à l’autre. En général, les subsides et la publicité prennent plus de place que chez nous. Si nous sommes toujours là en 2024, c’est grâce à nos lecteurs fidèles, avec environ 2000 abonnés et entre 1500 et 2000 exemplaires vendus par numéro, dans un marché exclusivement belge francophone. 

Wilfried organise également des événements. En quoi c'est important pour vous ?

C’est vrai qu’organiser des événements, c’est quelque chose qu’on aime assez bien quand nous en trouvons le temps. L’année dernière, par exemple, nous avons organisé une soirée à Namur. Ça a vraiment été une grande réussite pour nous, car elle a attiré beaucoup de monde et a été un parfait équilibre entre sérieux et plaisir. D’un côté, on avait des débats de haut niveau avec des invités super intéressants et de l’autre, on avait une piste de danse et des bières locales… C’est aussi ça l’esprit Wilfried. J’aimerais pouvoir renouveler ces moments plus souvent malgré notre charge de travail, car je sens une réelle attente de la communauté à ce sujet. 

Comment imagines-tu l’avenir du journalisme ?

Dans un sens, je vois que les lecteurs sont de plus en plus motivés à comprendre le monde qui les entoure et à rechercher des sources d’informations variées, ce qui est encourageant. On l’a bien vu lors des élections et avec la situation en Ukraine, les gens sont vraiment curieux, et ça donne confiance dans l’intérêt pour l’information.
En même temps, je constate une diminution de la capacité de concentration. Trouver un moment dans sa semaine, voire dans son mois, pour lire devient de plus en plus rare et j’espère sincèrement que cette tendance s’améliorera à l’avenir. 

Une autre préoccupation pour moi est la montée de l’agressivité, particulièrement visible sur des plateformes comme Twitter, que j’apprécie pourtant énormément comme source d’informations. C’est pourquoi, avec Wilfried, on s’efforce d’apporter un ton plus apaisé. On croit fermement au fait que notre magazine doit être inclusif : peu importe qui vous êtes ou quelles sont vos opinions politiques, vous pouvez trouver quelque chose qui vous intéresse dans nos pages.

On se donne rendez-vous dans deux semaines pour découvrir le prochain épisode de "Dans la Rédac" avec un•e journaliste belge emblématique !