Pour ce nouvel épisode de Dans la Rédac, nous nous sommes entretenus avec Géraldine Verheyen, responsable digitale de L'Officiel Belgique. Ensemble, nous avons discuté de son parcours, de la ligne éditoriale du titre, des défis liés à l'évolution du journalisme ainsi que de quelques-unes de ses anecdotes personnelles.
C’est clairement l’amour de la mode qui m’a menée vers le journalisme, presque naturellement. Dès l’adolescence, je dévorais les magazines, notamment le Vogue, et c’est ça qui m’a donné envie de travailler dans cet univers. Mais à l’époque, dire qu’on voulait faire du journalisme de mode, c’était tout de suite mal vu. Si tu n’étais pas journaliste de guerre, tu n’étais pas vraiment « légitime » à faire du journalisme. Du coup, j’ai choisi de faire des études en relations publiques à l’UCLouvain, un domaine où l’intérêt pour la mode passait mieux.
Ensuite, j’ai fait un Erasmus à Paris, parce que c’est là que tout se passe. J’ai eu la chance de décrocher un stage en journalisme chez Glamour Paris, qui m’a ensuite proposé un poste. Ça a été mon vrai point d’entrée dans le journalisme mode. Après ça, j’ai fait quelques piges pour le ELLE, Vogue… et puis, quand L’Officiel s’est lancé en Belgique, j’ai postulé pour avoir plus de responsabilités. Et aujourd’hui, j’y suis toujours, et je m’y sens très bien.
Je dirais qu’on se démarque en essayant de proposer du contenu ultra-premium. On fait évidemment de notre mieux. Ce n’est pas toujours simple avec les budgets, mais on travaille avec ceux qu’on considère comme les meilleurs. Et on se positionne sur un marché de niche, parce que ce sont surtout des connaisseurs, avec un certain pouvoir d’achat et un certain niveau d’éducation, qui vont nous lire.
Par rapport à L’Officiel France, on est quand même très indépendants. On doit faire valider certaines choses, surtout pour le print, mais ce n’est pas moi qui m’en occupe. Mais pour le web, on est totalement autonomes. Cela dit, on a accès à un cloud commun avec toutes les éditions internationales, donc on peut importer des articles de partout dans le monde. Il y a pas mal de synergies à ce niveau-là. L’Officiel France reprend beaucoup de nos articles, mais nous faisons de même. Tant que ça a du sens pour nos lectrices, on n’hésite pas, mais on essaie tout de même de garder une majorité de contenus belges.
Pour l’édition générale, la majorité de notre lectorat reste féminin. Même si certains hommes nous lisent aussi, notamment pour nos contenus moins genrés, comme l’art ou la culture. À côté de ça, on a aussi une édition « L’Officiel Hommes » qui, elle, s’adresse spécifiquement à un public masculin, avec des sujets pensés pour eux.
En termes d’âge, on est plutôt sur une cible entre 30 et 50 ans. C’est logique, parce que ce dont on parle reste parfois un peu en dehors du quotidien : il faut un certain pouvoir d’achat, donc on s’adresse moins aux plus jeunes.
Malgré ça, on essaie toujours d’adopter un ton grand public. Personnellement, j’aime apporter un angle plus sociologique. Remettre l’église au milieu du village, comme on dit. Par exemple en rappelant que certains gestes beauté sont issus de la culture noire, ou en analysant l’impact des contenus culturels comme le streaming. Même en food, on aime décortiquer des comportements. Moi, c’est ça qui me plaît : observer comment la société évolue à travers le prisme du lifestyle. On dit souvent que l’évolution de la mode reflète celle de l’histoire, et je trouve ça très vrai.
Oui, en 2025, ça reste un univers très exclusif, autant pour les marques que pour les journalistes. Il y a eu une période un peu plus ouverte, mais depuis la sortie du covid, on revient à quelque chose de plus fermé, plus sélectif. Il faut souvent faire partie d’un certain milieu, d’un environnement assez privilégié pour réussir à se faire une place.
Moi, j’ai eu de la chance. J’ai pu tenter Paris très jeune, mais je sais que sans l’aide financière de mes parents, ça n’aurait pas été possible. Et tout le monde n’a pas cette chance-là. En plus, je coche un peu toutes les cases de ce qu’on attend dans ce milieu : je suis blanche, blonde, je corresponds à certains codes… donc ça facilite les choses.
Heureusement, il y a parfois de la place pour des profils plus subversifs, plus inattendus. Mais ça reste encore trop rare, et c’est dommage. Même après plus de six ans dans le milieu, il m’arrive encore d’avoir ce sentiment de ne pas totalement être à ma place, ce petit syndrome de l’imposteur qui ne part jamais vraiment.
J’essaie autant que possible, mais ce n’est pas toujours simple : je traite énormément de sujets, sur toutes les rubriques, donc ça laisse parfois peu de place pour des initiatives plus émergentes et méconnues du grand public.
J’essaie malgré tout de rester attentive à qui je donne de la visibilité. Avant de parler d’une marque, je me renseigne toujours sur sa façon de produire, sur son management… Et si quelque chose me dérange, je préfère ne pas relayer. C’est aussi une forme de responsabilité.
Quant aux talents à suivre, il y a les grandes écoles bien connues comme La Cambre ou l’Académie d’Anvers, mais aussi des concours comme le Festival d’Hyères ou l’ANDAM, en France. D’ailleurs, il y a souvent des Belges parmi les lauréats, donc forcément on garde un œil attentif. Et puis, on reçoit aussi énormément de communiqués de presse, ce qui permet parfois de faire de belles découvertes ou de trouver des idées à creuser.
Ce qui marche le mieux, c’est clairement le food : les bonnes adresses où aller manger, les recommandations… Et puis aussi tous les sujets où on prend un peu plus de recul, avec une analyse plus engagée. Ça change de ce qu’on peut lire ailleurs dans les médias lifestyle, souvent plus lisses. Évidemment, la mode reste au cœur de notre ligne éditoriale, c’est aussi quelque chose qui fonctionne toujours très bien, tout comme la culture, notamment les critiques ciné.
Je parle ici surtout pour le web. Pour le print, c’est un autre public, une autre génération, avec des attentes différentes et des contenus encore plus premium.
Quand je repense à ma manière de travailler il y a cinq ans, je me rends compte à quel point les choses ont déjà changé. Et ça ne fait que confirmer que cette évolution va continuer, peut-être même s’accélérer. Aujourd’hui, la vidéo est devenue incontournable, c’est clairement ce qui prime désormais. Pendant les Fashion Weeks, par exemple, ma priorité, c’est de récupérer du contenu vidéo sur chaque défilé. C’est ce que les gens attendent, et c’est ce qui a le plus d’impact.
Un autre enjeu majeur, c’est l’arrivée des influenceuses dans le paysage médiatique. Certaines prennent de plus en plus de place, parfois jusqu’à intégrer des rédactions ou être nommées rédactrices en chef. Ça bouscule complètement les codes traditionnels du journalisme.
Aussi, je ne pense pas que le print soit voué à disparaître, mais une chose est sûre : on va devoir continuer à se digitaliser. Et moi-même, je me pose pas mal de questions sur l’avenir de notre métier, sur la forme que vont prendre nos contenus...
Ce qui m’inquiète aussi, c’est cette forme de fatigue qu’on sent autour de certains combats essentiels, comme l’écologie ou l’inclusivité. Il y a quelques années, ces enjeux étaient au cœur de toutes les discussions. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’ils s’effacent peu à peu… et je trouve ça franchement préoccupant.
Honnêtement, ce qui me passionne le plus, ce sont les Fashion Weeks. On est complètement hors du temps, dans une sorte de parenthèse irréelle où l’on côtoie des célébrités, où on peut les interviewer assez facilement… Même après six ans, c’est toujours ce moment de l’année qui me fait le plus vibrer. Mais ce qui me marque le plus, ce sont les rencontres. C’est aussi pour ça que je fais ce métier. J’ai eu la chance d’interviewer des personnalités comme Charlize Theron, Viola Davis ou Yseult…
Mais celle qui m’a le plus marquée, c’est sans doute ma toute première grosse interview avec Charlize Theron, justement. J’étais encore stagiaire à l’époque, hyper stressée, et je lui ai confié que j’étais très anxieuse. Et à la fin de l’interview, elle m’a regardée et m’a dit : « Tu vois, tu t’en es super bien sortie. » Ça peut sembler anodin, mais pour moi, c’était énorme. Ce genre de petite phrase, venant d’une personnalité comme elle, c’est marquant !
Écrit par Nonante Cinq
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